Avant, à l’origine, le téléphone
c’était un luxe. Qui dit luxe dit coût. Et donc usage précieux. Usage choisi.
Usage chéri (par). Il y avait un effort, une difficulté.
Aujourd’hui, le téléphone (portable)
est une habitude, un réflexe, une facilité, une banalité. Il ne s’y dit rien.
Il ne sert qu’à rompre avec la solitude d’un chemin trop long, à remplir le
vide d’un silence, d’une suspension.
Cela rejoint ce que je pense de
la prise de parole contemporaine (je reviendrai là dessus).
(Évidemment je ne parle pas des
communications long courrier, liées à l’éloignement, et qui elles reviennent à
prendre un café, auditif soit, mais un café tout de même, un moment ensemble).
Il faut être joignable tout le
temps ! Puisque ce téléphone est mobile et nomade, c’est du camping, on
doit l’avoir avec soi, et le transporter partout avec soi, et répondre au doigt
et à l’oeil, à toute heure du jour ou de la nuit, à midi ou à minuit, à Berlin
comme à Paris. Le raisonnable n’a pas sa place quand il s’agit d’allégeance à
cette règle “être joignable tout le temps”. Si non, les appels “en absence”
s’entassent, et en face l’indulgence s’amenuise.
Un coup de fil (un coup de sans
fil), pour dire tout et n’importe quoi, pour ne rien dire la plupart du temps,
ou pour dire “je suis en retard”.
Le téléphone portatif a donné
lieu à une forme de non respect largement déployé : le retard.
« Avant », un rendez
vous était donné, faire attendre était déplacé, pouvait faire supposer que
lapin serait poser, la ponctualité était de mise. Désormais, il est convenu que
puisque l’on peut prévenir à tout moment, on peut arriver quand ça nous chante.
« On a prévenu ». Nous avons rendez vous à 16h, et à 16h on prévient
qu’on sera là à 16h30. L’autre attendra des lustres, mais ce n’est pas grave
« puisqu’il est prévenu ».
Je suis toujours à l’heure. On
m’a inculqué que “l’exactitude est la politesse des rois”, une phrase qui fait
peur, qui met la couronne haute. Et je déteste attendre, car je déteste perdre
du temps. Le temps a un prix. C’est un trophée le temps, il faut le respecter.
La grande plupart du temps je ne
décroche pas. J’attends d’écouter le message, et je réponds par texto. L’écrit
demeure à mon sens une concentration faite vers l’autre, un instant consacré,
une clarté et une échappée. Et puis c’est moins une frousse.
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