Ce matin ma mère me racontait
ses premiers collants chairs. Offerts par ses parents.
À l’époque, cela s’appelait des
collants mousse.
Ça faisait rêver. Ça
révolutionnait les jours froids.
Elle en avait une seule paire.
Elle les chérissait. Elle en prenait soin.
Et puis un jour au lycée, une
autre élève lui a marché sur les pieds, et lui a fait un trou, à ses collants.
Ma mère en a pleuré. Si pleine du chagrin de voir sa précieuse paire abîmée,
foutue, irremplaçable.
Un chagrin d’enfant ? Pas
tellement.
Cette histoire m’a émue aux
larmes. Parce que c’est ma mère.
Et l’époque du guère, d’après
guerre. L’époque de peu.
Sa penderie tenait dans le creux
de ses bras.
Elle mettait son gilet le dos
devant, pour avoir un semblant d’autre pull.
Il y a eu aussi son premier
jean, son unique jean.
Il y avait cette copine qui se
faisait coudre le sien à même les jambes le matin en arrivant en classe, pour
qu’il soit moulant. Le stretch n’existait pas.
Parce que je n’ai pas eu la même
adolescence.
La mienne est celle du prêt à
porter, de l’accessible, de tous les prix.
La mienne a été très chanceuse,
et en pleines et glorieuses années.
Nous en avons oublié ce précieux
des choses.
Et qu’un jour, ces choses, ont
été des innovations, des nouveautés, des apparitions pour le corps des femmes.
Nous y sommes habituées.
Nous en avons oublié la rareté,
la valeur, le chéri qu’elles ont contenu.
On les faisait durer. On ne les
jetait pas. On s’en souvenait.
Mais je me souviens de ma
première paire de talons,
de mon premier rouge à lèvres,
de mon premier sac à main.
Parce que j’ai cette mère, et
que ce sont des emplettes charnières que j’ai faites avec elle, elle qui m’a
appris à me rendre compte de l’inestimable.
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