L’autre jour : un match des
bleus. Fascinée de voir les supporters leurs appareils photo collés aux
yeux. Mitraillant la partie, à travers un écran, sans regarder directement le
terrain.
Il y a ça aussi en voyage. À
Pompei je contemplais doucement les moulages en plâtre des pétrifiés, qui sont
étendus derrière des grilles. Un car est arrivé, et une horde s’est précipitée,
me bousculant dans la foulée et me passant devant le visage, toutes griffes
numériques dehors. On ne savait plus qui était “en cage”.
On ne sait plus vivre les
moments.
On prend des photos. On se dit
qu’on pourra les regarder plus tard. Le moment présent est une fois de plus
brisé, par ces appareils. C’est déjà du passé, on prend la photo, pas d’effort
à contempler ; et c’est déjà du futur, un futur hypothétique et pas
obligatoire. On a une trace de notre passage ici. Une preuve. Et ça suffit.
Désormais, tout passe par le
filtre-écran, cette protection, cette barricade, qui nous cantonne de l’autre
côté de l’instant, quelque soit la situation.
Cela entraîne aussi la
banalisation du vol d’image des êtres. On ne demande plus la permission,
surtout à l’étranger. (Au début pourtant on se méfiait, on croyait que le cliché
“volait l’âme”). Tout le monde se croit ethnologue de son voisin, et de
soi même (les selfies !).
Il n’y avait pas ça avec
l’argentique. Le nombre limité de prises de vues, et le coût du développement,
endiguait.
Si seulement le précieux se
choyait.
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