Comment un look s’édifie, et
s’affirme. Comme une infiltrée, j’ai été témoin des greffes du mien. De mes
premiers pas à ce jour. (Et ce n’est pas fini).
Ça a commencé avec l’enfance.
Déjà en sortant de la maternité,
toutes les infirmières s’étaient exclamées à ma vue, j’étais dans une longue
robe blanche fièrement choisie par mon père, un bébé en robe, elle n’avaient
pas vu ça depuis un temps long. Les autres sortaient en barboteuses, classique,
pratique.
C’est ma mer qui m’habillait.
J’étais toujours en fille. Mais pas fifille.
Les cheveux très courts, le
carré et la frange.
Je n’y pensais pas, à
l’apparence. On n’y pense pas dans l’âge bas.
(Même si les racines étaient
donc déjà là, à mes jours premiers, bien accrochées).
C’était des vêtements que je
pouvais salir, le slogan de Petit Bateau me convenait “À quoi ça sert
d’imaginer des vêtements si on peut rien faire dedans ! “. Je n’étais pas
casse cou. Je ne rentrais pas les genoux troués. Mais je passais mon temps dans
le jardin à fabriquer des choses, à rencontrer les animaux. C’était des
vêtements pour l’imaginaire et ce que cela comporte de dommages collatéraux.
Après, il y eu les erreurs de
l’ado en crise existentielle.
Les erreurs désastreuses.
Les jeans qui traînent par terre
et ramassent le jus des trottoirs, les cheveux mouillés pour aller en cours,
les jupes sur les pantalons, puis les jupes provocantes, le maquillage à
outrance qui me faisait disparaître.
Et puis il y a eu des déclics,
Les déclics. Ceux qui font grandir. Ceux que l’on écoute.
Il y a eu mon amie Sara au
lycée. Si elle lit ça elle va s’exclamer.
Avec sa pudeur magnifique, elle
va me colérer de se voir assigner un rôle si important, et une place dans cet
écrit.
A la rentrée en première elle
était nouvelle. Et elle avait une manière de s’habiller qui a été pour moi un
baptême. Elle s’en fichait, du que dira-t-on. Du sexy chéri par les
adolescentes. Ce jour là elle avait un jean un peu trop grand, et des Tod’s vernies
multicolores. Piquées à sa mère je présume. Le haut je ne sais plus. Ces Tod’s
à cet âge, c’était fou. Et ça n’avait pas du tout ce côté bourgeois de la
marque. C’était déplacé.
De la rencontrer c’était une
mise au parfum. Un permis de s’habiller. D’un coup je m’y suis décidée. Je l’ai
copiée un peu, aveu. Puis j’ai pris mes ailes et mes claques.
Après j’ai porté des santiags.
Un peu par hasard.
J’étais partie en week end avec
mes parents à Anvers, et en bonne chineuse, je voulais rapporter quelque chose
de cette escampette, et ça a été une paire de bottes mexicaines.
J’ai usé ce filon jusqu’au
talon, pendant des années.
Après qu’est ce qu’il y a
eu ?
Cette phrase d’une copine au
conservatoire “tu me fais penser au personnage de l’Amant, une femme enfant”.
Alors j’ai vu le film. J’ai lu le livre.
J’ai compris la confiance en moi
que cela m’ouvrait. Je ne m’étais jamais définie comme femme, au contraire, je
me voyais presque asexuée, animal étrange, une éternelle enfant.
La sensualité que je recelais
par cette ressemblance qu’on m’offrait, m’a fait porter des talons, et aller
vers les garçons.
Puis il y a cette attirance pour
l’ethnique, le vrai, chiné ça et là, qui est apparue. Une branche de plus. Un
mur porteur.
Ça me vient d’où ? Je ne
parviens pas à retrouver, à me rappeler.
Le premier voyage au
Maroc ? Peut être. Les surréalistes ? Peter Beard ?
Mince. Ça va me revenir.
Le bracelet pompons ! Ma
mère me l’avait rapporté d’Ibiza, d’un marché Hippie. Il vient du Rajasthan. En
laine de couleurs très franches.
Il y a des objets déclic, aussi.
Comme de trouver le bon pinceau pour le peintre, le bon fauteuil devant une
fenêtre pour celui qui écrit. Le bon marteau pour le charpentier. Le bon outil.
Ce bracelet, c’est un fondement.
Il m’a apporté cette dissonance dont je manquais. Ce mélange. Et une porte
immensément ouverte. De rythmes en désaccords, de matières brutales.
Mon trench panthère y a
contribué. Je ne l’ai jamais traité en connotation “vulgaire”, mais totalement
animale, comme une peau d’un chasseur Maasaï.
Il y a eu mon manteau Isabel
Marant. Ça c’est sûr. Je l’avais vu en boutique. C’était trop cher pour
l’étudiante. Je l’ai attendu, patiente, et je l’ai trouvé en vintage, quelques
années plus tard. On ne se quitte plus. C’était insoupçonné cette importance
qu’il prendrait, de pierre angulaire.
Il y eu une crise en 2012.
Presque l’âge ingrat renouvelé. Une crise de grand Too much. De mélanges
extravagants. Totalement dissonants. Trop d’informations dans les tenues.
À ne plus savoir où donner de
l’œil, à le faire tourner cet œil. Une transe. Un seuil.
Comme si cette poussée de
paroxysme était nécessaire, un écart obligé, un fourvoiement, me commandant de
faire contre sens et de calmer l’ensemble, pour éviter les bavures et les
buvards.
Puis ? Ensuite quoi ?
Certaines images évidemment.
Et Carla Sozzani, pour cet
uniforme merveilleux qu’elle a su se trouver. Si seulement un jour je parviens
à ce degré de précision de soi.
Mon look : un peu de
garçonne, un peu d’années de flappers, un peu de fifties, un peu d’ethnique, du
noir et des mixages de rythmes et de couleurs, des contrastes, des chaussures
lourdes. (Pour du “concrètement”, allez voir mon Instagram http://instagram.com/avriletmoi ).
Le look, et comment on peut le
définir.
Le look, en traduction du mot
anglais, c’est un regard, aussi.
Un regard, porté sur son corps.
Porté sur son histoire. Et sur les vêtements que l’on choisi.
Ce regard, on l’acère, et il
s’avère qu’il est sévère. Il nous décrit (en partie).
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