J’entends cliqueter mon poignet.
C’est un nouveau son.
Un son nouvellement venu.
Un son qui compte les secondes.
Qui compte jusqu’à 60 comme une
partie de cache cache.
Un son qui compte pour moi.
Les objets ricochent d’une
génération à une autre. Les objets se passent en relais.
Et depuis un hier, mon bras
porte les grammes de la montre de mon grand père.
Cela importait beaucoup pour
lui, ce qu’il adviendrait de ses choses.
Ma grand mère s’est en allée il
y a des années. Et lorsque lui est parti, chacun de nous, nous qui formons une
famille, a pioché dans son bazar, pour que cela soit sans fin.
Car il les aimait comme j’aime
les miens, ces objets, comme des trésors, quelques soient leurs valeurs, des
trésors de plastique, des trésors de voyages, des trésors en vrai, des trésors
de rien, des trésors se souvenant.
J’avais choisi une horloge. Une grande
horloge qui a toujours battu le rythme de leur maison.
Qui était le bruit de cette
maison. Le grillon de ce logis.
Mais mon chez moi est une maison
de poupée, aux plafonds bas, à ma taille. Et l’horloge en question n’en
n’aurait fait qu’à son chapiteau, et n’y aurait pas tenu debout.
Et ma famille, (ma mère, mes
tantes, et mon oncle), m’ont alors confié sa montre. Cette montre. Cette montre
qu’il s’était offert dans des années fastes. Cette montre Jaeger LeCoultre des
années 60. Cette montre avec laquelle il faisait tout. Avec laquelle il
jardinait. Avec laquelle il bricolait. Une montre avec un bracelet robuste et
sans-façon. Une montre aimée qui vivait là à côté de sa main, qui ne le
quittait pas d’un pouce, comme un chien fidèle et acceptant les loufoqueries de
son maître.
Une montre qui s’était arrêtée.
Épuisée. Comme son cœur de 95ans.
Alors avec ma mère nous l’avons
apportée à l’horloger qui fait des miracles, qui ressuscite ces temps morts.
Chez Antoine de Macedo.
C’est Clément qui l’a guérie.
Elle était très sale à
l’intérieur, et les aiguilles étaient oxydées. Peut être comme celle du
chapelier toqué.
Mais cet hier, elle s’était
réveillée. Et de la voir réanimée, c’était comme si mon grand père s’était
glissé quelque part dans le mécanisme, dans la trotteuse qui trotte et qui
courre sans souffler.
C’est une montre d’homme. C’est
la première et la seule que je posséderai. Et il me semble que quelque chose a
changé. Que je suis renforcée, par ce masculin ajouté à mon frêle poignet.
C’est la montre de mon grand
père.
Je porte ses heures sur moi. Il
est là. Et il me dit quel temps il fait.
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